Babylone inflationniste, chercheurs paresseux et algorithmes affamés #63

Score de risque polygénique en santé mentale ?  - Une majorité de la psychologie développementale ne sert à rien - Le PIB de Babylone ? - Les biais sexistes dans l’enseignement -TikTok et les troubles alimentaires - Abonnés : Rétraction chez PLOS one

Psycho Papers
8 min ⋅ 24/09/2025

À quoi sert l’information du score de risque polygénique en santé mentale ? 

Le score de risque polygénique est le lien (la corrélation) entre l’expression de gènes et des troubles médicaux comme les maladies cardiovasculaires, les cancers, le diabète etc. 

Selon cette méta-analyse, il y a 12 études qui ont testé cette association. Selon ses résultats, il n’y a pas d’intérêt d’utiliser les risques polygéniques pour prédire les risques de trouble de santé, ni de troubles psychologiques. 

Russo, L., Farina, S., Perilli, A., Adduci, A., Cristiano, A., Pastorino, R., Boccia, S., & Ioannidis, J. (2024). A review on efficacy of polygenic risk score information on behavioral change and clinical outcomes. In European Journal of Public Health (Vol. 34, Issue Supplement_3). Oxford University Press (OUP). https://doi.org/10.1093/eurpub/ckae144.1962  

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> J’ai mis NA car je n’ai même pas réussi à accéder à l’article complet…


Une majorité de la psychologie développementale ne sert à rien 

C’est le titre de l’article de Paul Bloom, chercheur réputé pour faire des articles provocateurs. 

La question que se pose Paul (je vais l’appeler Paul pour faire émerger une relation de proximité avec le lecteur) est : pourquoi est-ce que l’âge est un facteur intéressant à étudier dans les études de psychologie. 

Après avoir discuté d’une conférence, Paul dit : 

« De nombreux exposés auxquels j'ai assisté présentaient une certaine structure, et je me suis rendu compte que c'était ce que je voyais depuis longtemps, notamment dans les colloques, les présentations d'étudiants et les articles de revues. Ils présentaient des travaux en suivant cette recette : 

  1. Commencer par une observation sur les adultes - une capacité, une intuition, une opinion ou une compréhension que les adultes de notre société ont. 

  1. Développer une tâche pour tester la présence de cette capacité, intuition, etc. chez les enfants. 

  1. Testez des enfants de différents groupes d'âge, en considérant généralement (a) un âge où l'on ne s'attend pas à ce qu'ils soient adultes et (b) un âge où l'on s'attend à ce qu'ils soient adultes. 

  1. Si vous constatez qu'aucun groupe d'âge ne ressemble à un adulte, testez un groupe d'âge plus élevé. 

  1. Si vous constatez que les deux groupes d'âges ressemblent à des adultes, testez un groupe d'âge plus jeune. 

  1. Présentez vos conclusions. Les résultats sont généralement les suivants : les enfants de 3 ans ne comprennent pas du tout, les enfants de 5 ans sont meilleurs et les enfants de 7 ans sont presque comme des adultes. 

  1. S'il s'agit d'une présentation, accueillez gracieusement les applaudissements. Préparez-vous à recevoir des questions, mais ne vous inquiétez pas, elles seront faciles à traiter. On vous demandera peut-être si des enfants plus jeunes auraient réussi si vous leur aviez facilité la tâche. (Réponse : Excellente question. Oui, peut-être ! Nous espérons simplifier notre conception pour les études futures). Vous attendriez-vous à obtenir les mêmes résultats si vous testiez des enfants dans d'autres sociétés ? (Réponse : Excellente question. Nous espérons effectuer des travaux interculturels à l'avenir). Peut-être que quelqu'un répliquera et dira quelque chose comme : « Pourquoi pensez-vous que tel ou tel enfant a été testé dans telle ou telle société ? « Pourquoi pensez-vous que le laboratoire d'untel ou d'untel à Berkeley (disons) trouve que même les enfants de 4 ans ont cette chose, alors que vous ne la trouvez que chez les enfants de 5 ans ? » Une bonne réponse est : « Eh bien, ils doivent avoir des enfants plus intelligents à Berkeley ! » Cela fait généralement rire, et c'est peut-être vrai. 

Paul soutient que la plupart de ces études sont une perte de temps.  

Il dit : Imaginons qu’une personne dans la conférence se lève pour poser ces questions : 

Désolé, j'ai dû rater ça, mais en quoi est-ce important ? Qui se soucie de savoir si cette pépite de connaissance apparaît à l'âge de 3 ans, de 5 ans ou de n'importe quel autre âge ? Il est évident qu'elle doit apparaître à un moment donné entre l'enfance et l'âge adulte. Qui se soucie de savoir quand exactement ? Quelle théorie vos données soutiendraient-elles ? Qui serait surpris que la réponse soit une chose ou une autre ? Qui s'en réjouirait ? Pourquoi cette expérience vaut-elle la peine d'être réalisée ? 

Paul pense qu’il y a peu de chance d’avoir des réponses intéressantes. Quand il a posé une question de ce type à un étudiant, il a rigolé nerveusement et répondu « j’ai entendu que tu aimais bien te poser des questions philosophiques ». 

Le problème ne vient évidemment pas des étudiants mais de leurs directeurs qui préfèrent répondre à des questions qui se publient bien plutôt que des questions qui sont intéressantes. 

Ce à quoi Paul conclut : Faire des expériences dont les résultats n'ont pas d'importance n'est pas une activité utile. Si vous ne pouvez pas répondre à la question « Pourquoi faites-vous cette étude ? » par quelque chose de mieux que « Personne ne l'a fait auparavant », vous ne devriez pas faire l'étude. 

Bloom, P. Much of developmental psychology is not worth doing. Theor Soc (2024). https://doi.org/10.1007/s11186-024-09580-5 


Quel était le PIB de Babylone ? 

Si vous l’ignorez (parce que vous n’étiez pas né, sale génération Z), Babylone est un état ayant dominé le monde entre 500 et 100 avant la naissance du petit Jésus. La question que se posent les chercheurs est « à quel point Babylone était riche ?».  

En fait, le PIB ne peut pas être mesuré, car on manque de données sur le nombre d’habitants et les frontières exactes. Par contre, on peut mesurer les coûts et la production de matière, en particulier issus de l’agriculture, pour faire des estimations. En effet, on sait qu’avant la révolution industrielle, le prix du blé est un excellent comparateur entre pays, indicateur de crises économiques et de guerre. Il est, de plus, extrêmement bien mesuré depuis très longtemps, car les capitalistes existent d’avant le capitalisme, c’est comme ça. 

Alors cette richesse ? Et bien les prix du blé fluctuait énormément. En particulier, la mort d’Alexandre le Grand a provoqué un choc majeur dans l'offre de monnaie et, par conséquent, dans les prix, et ce choc a duré pendant une génération ou plus. 

À la suite de sa mort, les prix ont fortement augmenté et sont restés élevés ; les conditions ne sont pas revenues à la normale avant plus de 20 ans, montrant à quel point le retour à la stabilité politique et économique a été difficile. 

Les habitants de Babylone qui ont vécu cette transition ont dû vivre des moments très difficiles. Il semble que la nourriture était deux fois plus chère que d'habitude dans la ville de Babylone, et il est peu probable que de nombreux citadins aient eu des biens qui leur aient permis de compenser le coût de la nourriture. 

Les agriculteurs, en revanche, n'auraient peut-être pas été affectés si les prix qu'ils pratiquaient ont augmentés de la même manière que les achats qu’ils devaient faire. 

 Les prix ont augmenté au cours des deux derniers siècles avant le petit Jésus, d'abord progressivement, puis de plus en plus rapidement. Cela suggère un affaiblissement progressif de la structure politique de Babylone au cours des deux derniers siècles avant l'ère commune. Enfin, la laine a été le produit qui a connu la hausse la plus importante. 

Si l’étude ne permet pas d’estimer le PIB de Babylone, elle voit un lien très clair entre l’effondrement de l’état et l’inflation (n’y voyez aucun lien avec d’autres situations existantes wink wink). 

Temin, P. (2002). Price Behavior in Ancient Babylon. In Explorations in Economic History (Vol. 39, Issue 1, pp. 46–60). Elsevier BV. https://doi.org/10.1006/exeh.2001.0774 


Les biais sexistes dans l’enseignement 

Dans la newsletter 45, nous avions vu que les élèves trouvent toujours les enseignantes moins compétentes, moins drôles, plus exigeantes et sèches que leurs collègues masculins. 

Dans une nouvelle étude testant les biais sexistes envers les professeurs, les professeurs ont cherché à réorganiser le processus d'évaluation afin de réduire les préjugés, en testant deux interventions spécifiques pour résoudre le problème. Dans la première, au lieu de simplement demander aux étudiants leur opinion, le formulaire d'évaluation leur expliquait comment les préjugés inconscients peuvent avoir un impact sur leurs évaluations. De plus, il leur était demandé les raisons pour lesquelles ils formaient leurs jugements du professeur. Dans la seconde, les chercheurs ont envoyé le questionnaire non pas à la fin du semestre, quand les élèves sont fatigués, mais au début du semestre suivant. En plus, les chercheurs ont ajouté la conception de la première intervention. 

Les chercheurs ont fait cette expérience dans 200 cours de l’université Hamilton, à New York. 

Les résultats ? Il n’y a aucune différence, ni entre le groupe contrôle et le groupe avec une explicitation des raisons de noter l’enseignant.e ni avec le groupe avec explicitation plus temps pour être moins fatigué. 

« Il s'agit d'un résultat décevant, mais important pour ceux qui évaluent les autres : il est extrêmement difficile d'éliminer les préjugés du processus d'évaluation », a déclaré Ann Owen, la chercheure principale. 

https://www.forbes.com/sites/kimelsesser/2024/10/22/college-professors-tried-to-reduce-gender-bias-in-evaluations-but-couldnt/ 

Owen, A. L., De Bruin, E., & Wu, S. (2024). Can you mitigate gender bias in student evaluations of teaching? Evaluating alternative methods of soliciting feedback. In Assessment & Evaluation in Higher Education (pp. 1–16). Informa UK Limited. https://doi.org/10.1080/02602938.2024.2407927 

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> C’est aussi une bonne raison de ne pas noter les enseignants en France. Ce qui peut être intéressant est de proposer des retours anonymes et qualitatifs (en texte) pour les profs afin de s’améliorer. Les retours par notes n’ont aucun sens.


Est-ce que TikTok produit des troubles alimentaires ? 

En récupérant plus d’un million de données de TikTok, les chercheurs se sont intéressés au contenu des vidéos d’alimentation : est-ce que ce contenu livre plutôt des informations pouvant provoquer des troubles alimentaires ou non et en particulier, est-ce-que le contenu est différent entre des utilisateurs ayant des troubles alimentaires ou non ? 

La réponse est oui : 

Comparé à des utilisateurs qui n’ont pas de troubles alimentaires, les vidéos montrées aux personnes ayant des troubles alimentaires portent plus sur l’apparence physique, le régime, l’exercice et ils sont les seuls à voir des vidéos avec de la nourriture toxique. On voit dans les trois premiers graphiques que le jaune est au-dessus du bleu et que seul le jaune apparaît dans le dernier.

Dans l’étude, si vous souffrez d'un trouble alimentaire, votre algorithme était 146 % plus susceptible de vous envoyer des vidéos sur l'apparence physique, 335 % plus susceptible de vous envoyer des vidéos sur les régimes, 142 % plus susceptible de vous envoyer des vidéos sur l'exercice, et 4343 % plus susceptible de vous envoyer des vidéos sur les troubles alimentaires toxiques. 

Et est-ce-que ça augmente les chances d’ « aimer » les vidéos ?  

La réponse est oui, uniquement pour le régime (deuxième graphique), mais de 23%. Comparé aux 335% de chances d’avoir ce contenu, c’est extrêmement peu. 

Ainsi, lorsque l’algorithme détecte qu’un consommateur à un trouble alimentaire, il va lui envoyer largement plus de vidéos liées à son trouble alimentaire, même si l’individu n’indique pas sa volonté de consommer ce type de vidéo. 

Source : Griffiths, S., Harris, E. A., Whitehead, G., Angelopoulos, F., Stone, B., Grey, W., & Dennis, S. (2024). Does TikTok contribute to eating disorders? A comparison of the TikTok algorithms belonging to individuals with eating disorders versus healthy controls. In Body Image (Vol. 51, p. 101807). Elsevier BV. https://doi.org/10.1016/j.bodyim.2024.101807  

Pré-enregistrement : Non

Données libres : Oui


L’image qui fait réfléchir

Voici Larry. Larry est un chercheur qui possède une page google scholar de chercheur : https://scholar.google.com/citations?user=WTM0F1EAAAAJ

Tout ça pour dire que les profils Google Scholar, c’est du grand n’importe quoi.


La partie pour les abonnés

Un article de Reese Richardson (celui qui a son bébé chat juste au-dessus) sur l’éditeur PLoS. Il y indique:

Des éditeurs abusent de leur position d’autorité pour s’entendre avec les auteurs afin de publier des articles problématiques en masse. Les réseaux de duplication d’images peuvent compter des milliers d’articles et ces articles ont tendance à paraître dans les mêmes revues à peu près au même moment. Les maisons d’édition sont capables de publier des articles dans des revues sur demande et de bien s’adapter à des conditions contradictoires. Certains champs semblent plus vulnérables à l’activité des paper mills que d’autres. Les éditeurs comprennent que la fraude systématique sous-tend la majeure partie de leurs problèmes d’intégrité. Les mesures d’intégrité utilisées pour contenir la fraude scientifique systématique sont éclipsées par le problème lui-même.

En effet, selon un nouvel article, près du tiers de tous les articles rétractés à PLoS ONE peuvent être attribués à seulement 45 chercheurs qui ont été rédacteurs en chef de la revue, selon une analyse de ses publications.

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Psycho Papers

Par Adrien Fillon

Adrien Fillon est post-doctorant au CNRS, LAPSCO à Clermont-Ferrand. Ses champs de recherche sont la psychologie sociale appliquée à l’éducation, la méta-science et la détection d’erreur.

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