Des lettres perdues au réchauffement climatique
La technique des lettres perdues fonctionne. Le réchauffement climatique affecte la fertilité lors des FIV. Les différences générationnelles au travail sont minimes. La recherche académique est souvent financée par les énergies fossiles. Les quotas de pollution réduisent les émissions industrielles. Bonus : le script de Répare ta science.
La lettre perdue
La technique des lettres perdues (Milgram et al., 1965) est utilisée depuis près de 60 ans pour mesurer les attitudes sociales et les comportements d'aide dans la recherche psychologique, sociologique et économique.
La technique marche de la manière suivante : des chercheurs laissent des lettres par terre, timbrée et adressée, et mesurent le taux de renvoi de lettre (combien de lettres ont été ramassées par des inconnus puis mises dans les boites postales). Ils vont varier la zone géographique, la connotation des noms et des prénoms pour mesurer le racisme, parfois, ils mettent des sous dedans pour voir s’il se fait voler etc. Bref, on peut faire plein de trucs cools avec des lettres perdues.
Une méta-analyse a été faite sur 78 études avec un échantillon de 53 504 lettres provenant de 18 pays sur cinq continents. En moyenne, le taux de retour était de 50 % dans tous les pays, et était plus faible uniquement lorsqu’un signe politique extrême était présent. Les lettres affranchies sont également plus susceptibles d'être retournées, mais les lettres contenant de l'argent ne sont pas plus susceptibles d'être retournées. Les lettres perdues dans des quartiers favorisés sont plus retournées que dans les quartiers défavorisés.
Les auteurs indiquent que ces résultats permettent de conclure à l’efficacité de la technique de la lettre perdue pour mesurer ce que les chercheurs veulent mesurer. Les citoyens renvoient bien la lettre non pas de manière désintéressée, mais en fonction de l’incitation de la lettre.
Le réchauffement climatique rend déjà infertile
Des chercheurs d’Oregon se sont intéressés à l’impact des feus de forêt causé par le réchauffement climatique sur la qualité de l’air et son impact sur les FIV (fertilisation in vitro).
Ils ont mesuré chez 69 femmes ayant fait une VIF l’impact d’un feu de forêt ayant pollué l’air pendant 10 jours, une diminution drastique du nombre de blastocytes, qui permettent de créer un fœtus. Le centre OHSU d’Oregon songe à décaler les FIV prévus lors des feux de forêt pour éviter aux femmes de prendre des risques.
Les générations au travail
Un travail monstrueux a été fait par trois chercheurs concernant les différences générationnelles au travail.
Les chercheurs ont collecté de la littérature sur toutes les études sur le sujet, soit 463 articles. Ils en ont ensuite fait une méta-analyse indiquant que sur presque aucun facteur, que cela soit les valeurs au travail, la motivation, la satisfaction, l’engagement, l’équilibre vie pro/perso, le stress et le burnout, il n’y avait de différences entre générations. Et lorsque les chercheurs trouvent une différence, c’est souvent avec des preuves faibles. Pourquoi ?
Les chercheurs qui travaillent sur ces sujets font passer des batteries de tests très importants, avec beaucoup de questions, et rapportent toutes les réponses « significatives ». Ainsi, la littérature est extrêmement biaisée vers les différences parce que les chercheurs s’attendent à trouver des différences. Plus exactement, si les méta-analystes ont trouvé moins de 10% de différences entre générations, 70% des articles indiquent avoir trouvé des différences dans leur discussion. Les méta-analystes posent donc la question frontalement : pourquoi les chercheurs et les praticiens continuent-ils de propager et d’étudier des concepts questionnables alors qu’ils n’ont que de faibles preuves de différences minimes ?
Sur ce sujet, j’ai fait une présentation au département du Puy-de-Dôme qui a été enregistré, mais pas encore disponible en ligne. Cependant, les slides sont disponibles ici https://github.com/adrien-fillon/presentations/
Une fois cliqué sur le lien tout en bas, il faut cliquer sur télécharger en haut à droite :
La recherche académique est largement financée par les énergies fossiles
Une enquête collaborative impliquant des professeurs, des étudiants, des journalistes et des organisations de la société civile a révélé l'existence de centaines de liens entre les universités et l'industrie des combustibles fossiles à travers le monde. Malgré cela, la quasi-totalité des établissements universitaires maintiennent une grande opacité concernant leurs relations avec cette industrie, notamment en ce qui concerne les types de financement, les montants et les détails des contrats.
Les rares recherches disponibles sur le sujet mettent en lumière une corrélation troublante entre l'afflux de financements provenant des énergies fossiles et la publication d'articles scientifiques favorables à ces mêmes énergies. Cette dynamique a des répercussions directes sur la crédibilité de la science, influence le système judiciaire et façonne des politiques publiques pro-énergies fossiles.
Ainsi, les universités, tout en étant des acteurs reconnus de l'obstruction et du déni climatique, restent étonnamment peu étudiées sur cette question. Des travaux antérieurs sur les conflits d'intérêt et les biais dans les partenariats universitaires avec d'autres industries laissent présager l'ampleur du problème d'intégrité scientifique en jeu.
Source: Hiltner, S., Eaton, E., Healy, N., Scerri, A., Stephens, J. C., & Supran, G. (2024). Fossil fuel industry influence in higher education: A review and a research agenda. WIREs Climate Change, 15(6). https://doi.org/10.1002/wcc.904
Les quotas de pollution, ça fonctionne
Le quota carbone est une idée qui se propose de marchander l’émission de carbone. Le carbone a un prix fixe et chaque entreprise ne doit alors pas dépasser un certain quota au risque de payer cher son dépassement. D’autres entreprises qui polluent moins peuvent alors vendre leur quota aux entreprises qui dépassent leur quota. Bref, il y a un montant d’émission de carbone à ne pas dépasser et les entreprises s’achètent ou se vendent du « pouvoir de polluer ».
À Surat, au Gujarat, en Inde, les autorités locales ont, avec l'appui de chercheurs américains, mis en place ce système de quota et l’ont testé sur 2 ans. Les résultats sont clairs : la pollution a été réduite de 20 à 30% en fonction des mois, principalement, car certaines firmes pouvaient facilement réduire leurs émissions sans perdre ou en perdant très peu de productivité.
Les chercheurs estiment que les bénéfices en termes de réduction de mortalité sont 25 fois supérieurs au coût de la mise en place de cette politique. C’est une preuve très forte que les quotas carbones sont une solution efficace pour mitiger, au moins sur le court terme, la pollution industrielle.
https://bpb-us-w2.wpmucdn.com/campuspress.yale.edu/dist/7/2986/files/2024/07/ets_paper-25.pdf
L’image qui fait réfléchir
“Donc, je pense qu’on sait tous pourquoi nous sommes ici”
La partie des abonnés
Dans le prochain podcast Répare Ta science, dont le lien est dans le linktree : https://linktr.ee/adrienfillon, nous allons faire une revue de presse. Je vous présente ci-dessous les notes de ce podcast et tous les liens associés. Vous êtes les premiers sur l’actu !
L’université de Zurich a utilisé chatgpt sur reddit sans autorisation
ça se passe sur r/changemyview. Les chercheurs ont créé du contenu par l'AI pour tester le changement d'attitude par rapport à des humains.
Les commentaires des LLM étaient censés provenir de diverses identités humaines, notamment d'un homme ayant survécu à un viol, d'un conseiller en traumatologie et d'une personne noire en désaccord avec le mouvement Black Lives Matter. Au total, les chercheurs ont créé 34 comptes et publié plus de 1 500 messages sur la plateforme.
Les messages LLM étaient largement plus persuasifs que les messages humains. le problème est que Reddit n'autorise pas de commentaire rédigé par les IA et a contacté le comité d'éthique de l'université pour prévenir toute publication sur le sujet.
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Psycho Papers
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