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C’est pas moi qui dissone, c’est toi - Aimer être seul ne protège pas de la solitude - Est-ce que plus est mieux ? - Le VIH bientôt éradiqué (chez les riches ?) - Le langage de la non-réplication. Bonus : Comment mesurer la pauvreté ?

Psycho Papers
5 min ⋅ 23/04/2025

C’est pas moi qui dissone, c’est toi

La dissonance cognitive est ce phénomène bien connu qui consiste à avoir deux pensées contradictoires et à chercher à réduire l’inconfort associé à ces pensées. C’est le cas quand on est pro-climat, mais qu’on fait des vacances à Bali ou qu’on est pour une juste répartition des richesses, mais qu’on pratique l’évasion fiscale. Bref.

Depuis quelques années, les chercheurs se sont intéressés à la dissonance vicariante : qu’est-ce qui se passe dans notre tête quand on voit son pote ultra giga gauchiste végan manger de la viande ou son collègue catho fumer un petit pet’ ?

Il était donc temps de faire une méta-analyse sur le sujet, conduite par Sara Jaubert et votre humble serviteur. Nous avons trouvé 24 études au total conduisant à un effet assez fort, comparable à la dissonance cognitive « traditionnelle ». Oui sauf que… Après une analyse des biais de publication, la taille d’effet « réelle » serait au moins deux fois moins élevée que celle de la littérature et le nombre de participants extrêmement faible pour détecter un effet (14% de chance de détecter l’effet, s’il existe).Ici, si la ligne au centre de la pyramide est à 0,44, un effet jugé moyen a fort; la ligne en pointillé rouge indique que plus l'erreur est faible (plus mon va vers le haut), plus la taille d'effet se réduit jusqu'à 0. Autrement dit, l'effet ne pourrait exister qu'à cause de biais de publication.Ici, si la ligne au centre de la pyramide est à 0,44, un effet jugé moyen a fort; la ligne en pointillé rouge indique que plus l'erreur est faible (plus mon va vers le haut), plus la taille d'effet se réduit jusqu'à 0. Autrement dit, l'effet ne pourrait exister qu'à cause de biais de publication.

Nous n’avons trouvé aucun modérateur expliquant l’effet, s’il existe, ni aucun test de mécanisme expliquant la dissonance. Il y a un énorme problème de standardisation : sur les 24 études, il y a 12 scénarios différents, la majorité utilisé qu’une seule fois, ce qui augmente drastiquement le risque de faux positif. 19 des 24 études sont faites sur des étudiants de psychologie, ce qui empêche toute généralisation. Restons donc très prudent sur le fait que l’on peut tester la dissonance cognitive en regardant d’autres personnes.

Jaubert, S., Fillon, A. A., Souchet, L., & Girandola, F. (2024). Vicarious Dissonance: Pre-Registered Meta-Analysis. In Personality and Social Psychology Bulletin. SAGE Publications. https://doi.org/10.1177/01461672241266653


Aimer être seul ne protège pas de la solitude

C’est la conclusion d’une étude conduite sur internet avec plus de 9 000 participants de 3 générations différentes.

Les participants indiquent que la solitude fait souffrir, même quand on dit l’apprécier. S’il est difficile de comprendre pourquoi, il est possible que les personnes disant apprécier la solitude le dise, car en réalité, elles ont des difficultés à se sociabiliser en rationalisant leur difficulté par une appréciation de la solitude.

Sakurai, R., Sakurai, M., Suzuki, H., & Fujiwara, Y. (2024). Preference for solitude paradox: The psychological influence of social isolation despite preference. In Journal of Affective Disorders (Vol. 365, pp. 466–473). Elsevier BV. https://doi.org/10.1016/j.jad.2024.08.020


Est-ce que plus est mieux ?

De nombreuses recherches s’intéressent aux recommandations pour améliorer la santé et la santé mentale comme faire du sport, manger sainement et tous les trucs qui rendent l’existence plus triste.

Une question supplémentaire est : est-ce que le nombre de recommandations influence les changements de comportements ? En somme, est-ce que plus on fournit de recommandations, plus on a de chance que les personnes adhèrent à au moins une d’entre elles ?

Une analyse de 364 articles (6878 effets au total) indique que oui !

En particulier, il y a une augmentation franche de l’effet des recommandations quand on passe de 1 à 4 recommandations, qui représente la grande majorité des effets étudiés. Il reste à voir ce qui se passe avec plus de 4 recommandations.

Zhang, A. L., Liu, S., White, B. X., Liu, X. C., Durantini, M., Chan, M.-p. S., Dai, W., Zhou, Y., Leung, M., Ye, Q., O'Keefe, D., Palmese, L., & Albarracín, D. (2024). Health-promotion interventions targeting multiple behaviors: A meta-analytic review of general and behavior-specific processes of change.Psychological Bulletin, 150(7), 798–838. https://doi.org/10.1037/bul0000427


Le VIH bientôt éradiqué (chez les riches ?)

Gilead a annoncé le 20 juin 2024 avoir mis au point un antiviral, le lenacapavir protégeant 100% des femmes de l’étude (2134) du virus. En comparaison, 16 des 1068 femmes qui ont reçu le truvada, médicament déjà utilisé contre le VIH, ont contracté le VIH.

Est-ce une nouvelle qui va tout changer dans la lutte contre le VIH ? Peut-être. Cependant, Gilead a annoncé un prix de 42 250$ par an, alors que le coût estimé de fabrication du médicament est de 40$.

HIV drug could be made for just $40 a year for every patient | Global development | The Guardian


Le langage de la non-réplication

Des chercheurs ont compilé les mots utilisés dans des études répliquées positivement et négativement pour savoir quels mots étaient le plus utilisés dans les deux cas.

Il est possible de « prédire » si l’étude a été répliquée ou non en fonction du type de mot utilisé dans l’étude. En effet, les mots que nous trouvons être associés davantage aux études reproductibles sont liés à l'élaboration et au concret, ainsi que des mots quantifiant, interrogatifs et des chiffres, ce qui suggère que les auteurs ont fourni des statistiques « objectives » dans le résultat de l'étude.

De l’autre côté, les études non reproductibles sont rédigées de manière plus vague, et avec des termes liés à la persuasion.

Les mots les plus utilisés dans les études non répliquées :

Herzenstein, M., Rosario, S., Oblander, S., & Netzer, O. (2024). The Language of (Non)Replicable Social Science. In Psychological Science (Vol. 35, Issue 9, pp. 1048–1061). SAGE Publications. https://doi.org/10.1177/09567976241254037


L’image qui fait réfléchir

"Je pense souvent qu'une des raisons pour laquelle je suis un connard suspicieux est que j'ai fait  une licence de psychologie dans les années 2000' et dans la décennie suivante, il se trouve que la majorité des choses que l'on m'a enseigné se sont révélées fausses""Je pense souvent qu'une des raisons pour laquelle je suis un connard suspicieux est que j'ai fait une licence de psychologie dans les années 2000' et dans la décennie suivante, il se trouve que la majorité des choses que l'on m'a enseigné se sont révélées fausses"


Comment mesurer la pauvreté ?

Il y a deux manières de mesurer la pauvreté, une manière relative et une manière absolue.

En effet, on peut être pauvre par rapport aux autres (et peu importe à quel point une population est riche, il y aura toujours des pauvres) et être pauvre dans l’absolu, parce que l’on n’a pas suffisamment d’argent pour vivre normalement, indépendamment de combien les autres vivent.

Pauvreté relative

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Psycho Papers

Par Adrien Fillon

Adrien Fillon est post-doctorant au CNRS, LAPSCO à Clermont-Ferrand. Ses champs de recherche sont la psychologie sociale appliquée à l’éducation, la méta-science et la détection d’erreur.

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