Psycho Papers

Une newsletter qui rassemble et vulgarise des études actuelles en psychologie.

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Par Adrien Fillon
19 juin · 6 mn à lire
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Psycho Papers #37 : la newsletter qui a du chien

Les gènes ne sont pas des plans - IA et traitement - l'intelligence des chiens - Un effet massif du RGPD - Efficacité du NutriScore - cacher la maladie - chaud patate - BONUS : EMDR et dépression, nouvelle psychothérapie contre la douleur

Il est temps d’admettre que les gènes ne sont pas le plan de la vie.

Selon Philip Ball auteur du livre How Life Works: A User’s Guide to the New Biology, La vision des gènes comme étant un code qui permettrait de comprendre comment la vie fonctionne est simpliste et caduque.

Quand les gènes ont été codifiées en 2001, beaucoup avaient espoir d’avoir un « manuel d’utilisation » de la vie. En fait, presque aucun gène n’a de fonction pré-établies et déterminées par la structure de l’ADN. L’activité des gènes dépend d’une myriade de facteurs externes, de l’alimentation à l’environnement dans lequel l’organisme se développe. Et chaque trait peut être influencé par de nombreux gènes.

Les organismes sont extrêmement robustes et une fonction particulière peut exister même lorsque des gènes clés sont supprimés. Par exemple, bien que le gène HCN4 code pour une protéine qui agit en tant que stimulateur cardiaque, le cœur conserve son rythme cardiaque même si le gène est muté.

Une autre métaphore critiquée par Ball est celle d’une protéine dont la forme fixe se lie à sa cible, de la même manière qu’une clé s’insère dans une serrure. De nombreuses protéines, souligne-t-il, ont des domaines désordonnés – des sections dont la forme n’est pas fixe, mais change constamment.

Ce « flou » et cette « imprécision » ne sont pas une conception bâclée de la nature, mais une caractéristique essentielle des interactions protéiques. Le fait d’être désordonné fait des protéines des « communicateurs polyvalents », capables de réagir rapidement aux changements dans la cellule, de se lier à différents partenaires et de transmettre des signaux différents selon les circonstances. Par exemple, la protéine aconitase peut passer du métabolisme du sucre à la promotion de l’apport en fer des globules rouges lorsque le fer est rare. Près de 70 % des domaines protéiques pourraient être désordonnés.

Les visions classiques de l’évolution devraient également être remises en question. L’évolution est souvent considérée comme « une affaire lente qui consiste à laisser des mutations aléatoires changer un acide aminé pour un autre et à voir quel effet cela produit ». Mais en fait, les protéines sont généralement constituées de plusieurs sections appelées modules - le remaniement, la duplication et le bricolage de ces modules sont un moyen courant de produire une nouvelle protéine utile.

Source : Noble, D. (2024). It’s time to admit that genes are not the blueprint for life. In Nature (Vol. 626, Issue 7998, pp. 254–255). Springer Science and Business Media LLC. https://doi.org/10.1038/d41586-024-00327-x


L’IA pour détecter l’efficacité des traitements

Une promesse de l’intelligence artificielle était de « miner » des données pour trouver des occurrences pour aider les cliniciens à mieux traiter les patients. On a acquis énormément de données médicales, suffisamment pour qu’il soit possible de nourrir l’IA de ces données pour lui demander quels traitements seraient le plus efficace dans quel contexte.

Sauf que malheureusement, ça ne marche pas bien. Quand on donne des données à l’IA, elle a une précision extrêmement forte sur les données, mais une très mauvaise prédictions sur des données nouvelles. Autrement dit, les résultats qu’elle génère ne sont pas généralisable, ce qui est un problème quand on veut généraliser une efficacité de traitement à une population entière.

Ainsi, il faut rester très mesuré sur la possibilité de l’IA de produire des résultats prédictifs, en particulier dans le domaine de la santé.

Source : Chekroud, A. M., Hawrilenko, M., Loho, H., Bondar, J., Gueorguieva, R., Hasan, A., Kambeitz, J., Corlett, P. R., Koutsouleris, N., Krumholz, H. M., Krystal, J. H., & Paulus, M. (2024). Illusory generalizability of clinical prediction models. In Science (Vol. 383, Issue 6679, pp. 164–167). American Association for the Advancement of Science (AAAS). https://doi.org/10.1126/science.adg8538


Les chiens classés par intelligence

Non, on ne parle pas ici des candidats RN mais bien de nos companions canidés. Les chiens les plus intelligents sont donc dans l’ordre : l’épagneul d’eau irlandais, le berger australien, le Rottweiler, le doberman, le border collie et le moins intelligence le cavalier king charles, le loulou (qui en aurait douté?), le shih izu et le Husky.

L’intelligence était mesuré avec des tâches de contrôle inhibiteur (et c’est là que le husky déçoit beaucoup), des tâches de communication, de mémoire et de raisonnement physique.

On observe également un lien clair entre taille du cerveau et intelligence (comme chez tous les animaux) :

Si vous voulez en savoir plus, vous avez d’autres graphiques dans la source :

https://twitter.com/notcomplex_/status/1746286184978944221


Un effet massif du RGPD

Depuis la Création du RGPD et donc des clics pour accepter les cookies, l’accès aux sites des vendeurs de technologie Web par les citoyens européens a été réduit de 15%.

La conséquence est que les sites web les plus connus, donc ceux pour lesquels les citoyens avaient l’habitude d’accéder sont accédés plus facilement, amenant à une augmentation de la concentration du marché des technologies web de 17%.

En particulier, Google et Facebook occupent à eux deux 56% du marché des publicités digitales.

https://pubsonline.informs.org/doi/10.1287/mnsc.2023.4709


Santé : Vaut-il mieux un nutriscore ou un changement de prix ?

La réponse est … le nutriscore. Mais le changement de prix a aussi ses avantages.

Les chercheurs ont étudié le comportement d’achat en créant un magasin avec des prix standards, et en donnant 35€ aux participants. Puis ils réinvitaient les participants une seconde fois, et ajoutaient un nutriscore et/ou un changement de prix aux produits de leur magasin (Moi aussi j’aimerais bien avoir assez de sous pour payer 70€ mes participants, on pourrait faire plein d’expérimentations cool).

Bref, le nutriscore a le plus réduit la consommation des « mauvais » aliments et augmenté celle des « bons » aliments, même si le changement de prix a aussi influencé le comportement d’achat.

Un point important est que le changement de prix n’est pas « cher » pour les consommateur, s’ils vont vers les produits moins cher et donc meilleur pour la santé. Ce n’est pas forcément le cas pour l’état.

Avec une simulation dont les chercheurs disent eux-même que ça vaut ce que ça vaut c’est pas terrible mais bon mieux que rien, ils estiment que changer les prix à travers des taxes des produits nocifs et des subventions pour les bons produits reviendrait à payer 300€ par famille par an, pour un résultat peu convainquant.

Bref le nutriscore c’est pas parfait mais c’est peut-être mieux que certaines alternatives.

https://econpapers.repec.org/paper/gblwpaper/2024-01.htm


Pourquoi est-ce-qu’on cache aux autres qu’on est malade ?

Dans un sondage aux USA, 75% des répondants indiquent avoir caché leurs symptômes potentiellement infectieux aux autres. Les raisons sont principalement sociales (vouloir aller à un évènement où se trouvent d’autres personnes) ou professionnelles.

Les personnes à qui on demande de s’imaginer être plus infectieuses se retrouvent à moins cacher leurs symptômes aux autres alors que quand elles le sont vraiment, ben elles le cachent quand même (donc les questions « imaginez vous avoir la grippe », ça ne sert pas trop pour mesurer ce que les gens font quand ils sont vraiment malade).

Il y a donc un vrai problème d’égoïsme (oui le mot est lâché) où on pense que le risque personnel de manquer un évènement surpasse le risque des autres de tomber malade.

https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/09567976231221990


Être chaleureux, ou être chaud patate ?

Une méta-analyse de 80 effets indique qu’il n’y a aucun lien entre température corporelle et prosocialité ou antisocialité. On est pas spécialement plus chaud (dans le corps) quand on est chaleureux ou énervé.

Lynott et al. (2023). The effects of temperature on prosocial and antisocial behaviour: A review and meta-analysis.

https://doi.org/10.1111/bjso.12626


L’image qui fait réfléchir


Dans la partie pour les abonnés, je vulgarise deux études centrées sur la psychologie clinique afin de participer à la veille scientifique des cliniciens. Aujourd’hui, on parle de l’efficacité de la thérapie d’expression et de reconnaissance émotionnelle sur la douleur chronique, ainsi que d’une méta-analyse sur l’efficacité de l’EMDR sur la dépression. Bonne lecture et merci pour votre soutien :)

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