Psycho Papers

Une newsletter qui rassemble et vulgarise des études actuelles en psychologie.

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Par Adrien Fillon
3 juil. · 6 mn à lire
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Psycho Papers #38 - la newsletter où on touille de la salive

1 essai /5 non publié - langage des signes et implant cochléaire - Interventions sociales et changement climatique - Marcus Munafo et la causalité en psychiatrie - L’entrainement paye - Touillez, touillez la salive de bébé - Les chercheuses harcelées

Près de 500 essais cliniques menés dans les pays nordiques depuis 2016 n'ont toujours pas été publiés

Un essai clinique sur cinq (22 %) mené au Danemark, en Finlande, en Islande, en Norvège et en Suède entre 2016 et 2019 n'a pas vu ses résultats rendus publics, selon un rapport de plusieurs organisations qui plaident pour la transparence des essais.

Le rapport, fruit d'une collaboration entre TranspariMED, Cochrane Danemark, Cochrane Norvège, Cochrane Suède, Dam Foundation, Melanomföreningen [l'Association suédoise du mélanome] et la campagne AllTrials, a examiné les 2113 essais cliniques réalisés par 54 institutions dans les cinq pays nordiques sur une période de quatre ans.

Il a constaté que, parmi ceux-ci, les résultats de 475 essais portant sur un peu moins de 84 000 patients n'ont pas été rendus publics.

https://www.bmj.com/content/384/bmj.q343


Langage des signes avant et après l’implantation cochléaire

Une étude menée sur (seulement) 40 enfants sourds indique que les enfants ayant été exposés au langage des signes, que cela soit avant ou après la pose d’un implant cochléaire et à 5 ou 7 ans ont eu une mémoire phonologique, un langage général et une mémoire de travail non verbale un peu meilleure que les enfants n’ayant pas été exposés au langage des signes.

L’étude indique donc qu’il ne faut pas décourager les parents d’apprendre le langage des signes aux enfants sourds, même si la pose d’un implant cochléaire est possible.

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/desc.13481


Les interventions de psychologie sociale à la peine pour lutter contre le changement climatique

Une méga-étude a été conduite sur 59 000 participants de 63 pays différent. Les chercheurs ont testé l’effet de 10 interventions différentes sur le changement dans les croyances, attitudes et comportements associés avec le changement climatique.

Dans la figure suivante, les lignes de couleurs correspondent aux 10 interventions. Pour que l’intervention soit efficace, elle doit être au-dessus de la ligne noire et plus élevée à gauche qu’à droite (autrement dit, que le changement se fasse chez les personnes les plus sceptiques au changement climatique, pas pour ceux qui sont déjà convaincus qu’il faut se bouger).

Contrairement à ce qu’on aurait souhaité, les interventions n’ont pas fonctionné. Il n’y a que le graphique en bas à gauche dont les interventions ont fonctionné, mais seulement chez les déjà convaincus (avec une croyance initiale supérieure à 50 %). De plus, ce graphique mesure la volonté de partager du contenu sur le changement climatique sur les réseaux sociaux, autrement dit, rien de très captivant. Toutefois, le graphique en bas à droite est intéressant : on découvre que les participants, peu importe l’intervention, ont une volonté moins importante de planter des arbres après les interventions qu’avant. Peut-être que la mesure est vue par les participants comme du greenwashing – l’impression que c’est un comportement pseudo écologique qui ne va pas changer grand-chose.

Que conclure ? Les interventions de psychologie sociale ne vont pas changer le monde, et c’est tant mieux. Si on avait une baguette magique du type « une formation de 10 minutes en ligne » qui modifiait considérable les comportements, on l’aurait déjà trouvé. Retirer l’idée que les nudges, ou les interventions courtes, peuvent changer le monde peut amener à réfléchir plus en profondeur sur ces questions et amener à développer des interventions plus systématiques, adaptées aux contextes et aux enjeux, en mettant plus de moyens pour faire vraiment une différence. On l’espère du moins.

https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.adj5778


Marcus Munafo et la causalité en psychiatrie

Marcus Munafo exerce un œil critique sur les articles publiés dans le domaine biomédical, notamment pour éviter les fausses relations de causalité.

Il indique à BMJ :

L'association entre la consommation d'aliments ultratransformés et les effets néfastes sur la santé semble être établie. Cependant, comme pour la plupart des études épidémiologiques, elles sont observationnelles, ainsi, il est difficile de prouver une relation de causalité. Pour vérifier la causalité, il faut aller au-delà, en faisant des études de plus en plus vastes, qui fourniront des estimations plus précises (mais qui peuvent être de plus en plus précisément erronées sur la question de la causalité, compte tenu des problèmes bien connus de “corrélation n'est pas causalité”).

Une possibilité pour s’assurer de la causalité est d’adopter un cadre de triangulation et intégrer d'autres approches et sources de preuves. Par exemple, les résultats de contrôle négatifs peuvent être un puissant antidote à l'inférence causale trop optimiste (tester l’effet d’un groupe contrôle versus un groupe d’un effet dont on sait qu’il n’est pas censé marcher, ou qu’il n’est pas censé être lié théoriquement).

En 2023, Morales-Berstein et ses collègues (https://link.springer.com/article/10.1007/s00394-023-03270-1) ont constaté que la consommation d'aliments ultratransformés est associée à un risque accru de cancer de la tête et du cou et d'adénocarcinome de l'œsophage.

Cependant, Morales-Berstein et ses collègues ont également constaté une association avec le risque de décès accidentel (par exemple, chutes, accidents de transport, noyade accidentelle) dans une analyse de contrôle négative. Il est difficile d'imaginer une voie de causalité biologique plausible entre la consommation d'aliments ultra-transformés et ces résultats, ce qui devrait nous donner une raison de prendre du recul avant de conclure que l'association avec des effets néfastes sur la santé reflète un véritable effet causal. C'est possible, mais nous devons être prudents.

https://www.bmj.com/content/384/bmj-2023-077310/rr


L’entrainement paye

Des chercheurs ont formé des décideurs politiques Pakistanais aux méthodes d’économétrie (Les mesures en économie). Un an après, ils ont remarqué que ces décideurs politiques avaient une volonté plus élevée de dépenser de l’argent dans les études scientifiques amenant à des effets de causalité (donc d’investir pour s’assurer scientifiquement des effets de leurs politiques). Ce travail est une indication que former correctement les politiciens peut les amener à mieux considérer l’utilité de la science dans les décisions politiques.

Mehmood, S., Naseer, S., & Chen, D. L. (2023). Training policymakers in econometrics. Training, (1/43).


Touillez, touillez la salive de bébé

Image d'un bébé excessivement mignon accompagné d'une salive extrêmement contaminante.Image d'un bébé excessivement mignon accompagné d'une salive extrêmement contaminante.

Une équipe de chercheurs israéliens s’est intéressé à la possibilité de réduire les coûts de détection de maladies respiratoires chez les bébés. Utilisant les données de 16 000 bébés d’une maternité de Jérusalem, ils ont mélangé les salives des bébés 8 par 8 et regardé si l’échantillon contenait des virus. C’était le cas pour 54 échantillons, ce qui a permis de retester chaque bébé individuellement pour trouver celui qui était malade. Cela permet de réduire de 83 % le nombre de tests à effectuer par rapport à tester chaque bébé individuellement, ce qui augmente considérablement le bénéfice des tests face à leur coût.

Pooling babies’ saliva helps catch grave infection in newborns. (2024). In Nature. Springer Science and Business Media LLC. https://doi.org/10.1038/d41586-024-00733-1


Les chercheuses harcelées

Pour une étude commandée par L'Oréal, près d’une chercheuse sur deux déclare avoir été victime de harcèlement sexuel au travail avec « impact négatif sur leur carrière, parfois irrémédiable » dans 2 cas sur 3. Pour la moitié d’entre elles, le harcèlement s’est produit il y a moins de 5 ans (après le mouvement MeToo). À nouveau, pour la moitié d’entre elles, elles en ont parlé autour d’elles, et seulement un cinquième auprès de leur institution. 64 % des femmes interrogées, harcelées ou non, regrettent l’inefficacité des actions contre le harcèlement.

L’étude a été réalisée auprès de 5 200 scientifiques de 117 pays.

https://www.aefinfo.fr/depeche/688691


L’image qui fait réfléchir

Demander aux utilitaristes comment ils savent quelle quantité d'utilisé quelque chose gènère - "on l'a inventé"Demander aux utilitaristes comment ils savent quelle quantité d'utilisé quelque chose gènère - "on l'a inventé"


La Partie des abonnés

Dans la partie des abonnés, je vulgarise deux articles de psychologie clinique afin de participer à la veille scientifique des cliniciens. Aujourd’hui, on parle de l’utilisation de la TCC sur internet pour lutter contre les TOCs ainsi que d’une revue systématique et une méta-analyse des prédicteurs de la réponse à la psychothérapie axée sur le traumatisme pour le trouble de stress post-traumatique.

TCC sur internet contre les TOC

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