Psycho Papers

Une newsletter qui rassemble et vulgarise des études actuelles en psychologie.

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Par Adrien Fillon
8 mai · 5 mn à lire
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Psycho Papers #35

TDAH et temps d’écran à Taïwan - La démocratie des plus vieux - Le spas FAUX - Un deep-learning tout creux - Les faux souvenirs sont un vrai problème - À quel point les symptômes de la dépression sont stables ? - Devine pourquoi je fais ça ? - Un nouveau traitement de l’autisme tout naze

TDAH et temps d’écran à Taïwan

Les chercheurs ont utilisé les données d’une cohorte qui suit 24 200 enfants à Taïwan et ont mesuré le temps passé devant des écrans par les pères, les mères, et les bébés à 6 mois, 18 mois, et 36 mois. De manière assez fascinante, seul le temps passé devant les écrans par les mères avait un lien avec le risque de développer un TDAH chez l’enfant, pas le temps d’écran de l’enfant.

La raison ? on n’en a aucune fichue idée (et c’est donc peut-être une corrélation illusoire).

https://bmcpsychiatry.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12888-023-05242-5


La démocratie des plus vieux

Une étude portant sur 5 expérimentations, 10 pays et 17 vignettes politiques différences indiquent que de manière générale, les plus jeunes sont moins pro-démocratie que les plus vieux. Plus exactement, les plus vieux souhaitent punir plus fortement les comportements antidémocratiques que les plus jeunes.

Notons quand même que les vignettes utilisées étaient des vignettes de candidats qui faisaient des choix pro ou anti-démocratie et que le chercheur a uniquement faire un test de différence de moyenne entre les deux. Par exemple, on ne sait pas si les plus vieux sont juste plus à même de punir tous les comportements que les plus jeunes (même des comportements pas en lien avec des choix démocratiques) vu que ça n’a pas été testé.

On ne peut pas non plus dire qu’en vieillissant, on devient plus pro-démocratie, parce que l’étude n’est pas sur des cohortes qui vieillissent, mais uniquement une comparaison de personnes jeunes et âgées dans les mêmes pays aux mêmes moments.

https://talks.ox.ac.uk/talks/id/44d3702a-cf90-4dcb-89cb-fa89bd0d9748/


Le spas FAUX

Le spasfon ne sert à rien, quetchi, nada.

Si le sujet vous intéresse, la Dr. Juliette Ferry-Danini a sorti un livre, « Pilules roses, de l’ignorance en médecine ».

Bonne lecture !

https://www.editions-stock.fr/livres/essais-documents/pilules-roses-9782234091269


Un deep-learning tout creux

Saviez-vous que les réseaux de neurones, l’IA et tout ça se basent sur l’idée de ressembler au fonctionnement du cerveau, notamment avec l’hypothèse de l’apprentissage profond, le « deep learning ». L’idée de cette hypothèse est que notre cerveau fonctionne comme un oignon, avec plusieurs couches du cortex, et l’apprentissage consisterait à passer d’une couche supérieure à une couche inférieure, l’information entrant en « profondeur » dans le cerveau. Si cette idée séduisait dans les années 2010, elle ne tient pas vraiment la route, l’apprentissage étant complexe et le « deep learning » ayant montré ses limitations.

Un groupe de chercheur propose ainsi une nouvelle théorie intitulée TADAM suspens, suspens… l’apprentissage superficiel.

L’idée est de dire qu’à l’heure actuelle de nos connaissances, le cerveau fonctionne principalement en « apprentissage global » plutôt qu’en « apprentissage profond » : l’information ne va pas de la superficie au centre du cerveau, mais plutôt dans des millions de petits circuits indépendants qui vont se rejoindre (ou pas), pour transmettre l’information. L’apprentissage n’est donc pas « profond » mais « large ».

Les chercheurs espèrent que cette nouvelle manière de voir l’apprentissage favorise la créativité des personnes travaillant dans le deep learning pour mieux réfléchir aux processus de parallélisation.

https://www.nature.com/articles/s41583-023-00756-z


Les faux souvenirs sont un vrai problème

Des chercheurs ont utilisé un processus assez complexe en demandant à des participants d’observer des mots, puis d’en imaginer d’autres, puis d’en observer des nouveaux.

Puis les chercheurs ont demandé à ces participants si tel ou tel mot était un mot qu’ils avaient observé, ou inventé, ou un nouveau mot observé.

Les résultats sont surprenants.

Si dans le cas des mots perçus en premier, les participants ne se trompent pas tellement (la courbe verte est largement au-dessus des autre), ils se sont majoritairement trompés pour les mots imaginés, car ils ont majoritairement indiqués que c'étaient des mots perçus !

Pour les mots nouveaux, c’était un amas entre mots imaginés et perçus.

Cette étude illustre bien à quel point il nous est facile de croire que ce que nous avons inventé dans notre tête – des faux souvenirs – peuvent être perçu comme provenant d’une réalité extérieure, notre environnement actuel ou passé.

https://osf.io/preprints/psyarxiv/74k9f/


À quel point les symptômes de la dépression sont stables ?

L’insomnie est le symptôme le plus stable, et la perte de poids le moins stable, au cours d’une étude de 9 ans sur 490 participants souffrant de dépression.

Dans l’ensemble, les idées suicidaires étaient modérément stables dans la dépression récurrente, mais ne présentaient pas beaucoup plus de stabilité que la plupart des autres symptômes non essentiels de la dépression. C’est le résultat le plus étonnant, car on pensait que les idées suicidaires étaient un des facteurs les plus stables auparavant.

https://doi.org/10.1192/bjo.2023.608


Devine pourquoi je fais ça ?

On peut faire des gestes dans un objectif instrumental : performer des actions. On peut aussi faire des gestes dans un objectif épistémique : acquérir de nouvelles informations. Si le premier cas est amplement étudié par la littérature scientifique, c’est beaucoup moins le cas du second.

Ainsi, des chercheurs ont demandé à des participants de deviner soit le nombre (5 à 15) soit la forme (carré ou rond) des objets dans une boite à carton fermée, tout en les filmant.

Ils ont ensuite demandé à des participants de regarder le film et de deviner si, selon eux, les participants cherchaient à connaitre le nombre ou la forme de l’objet.

Dans trois autres expérimentations, ils ont rendu l’activité plus difficile, en ajoutant d’autres formes et d’autres nombres. Dans tous les cas, les observateurs étaient meilleurs que le hasard pour déterminer la raison de l’action des personnes.

Ces résultats indiquent clairement que les humains sont bons pour inférer les intentions épistémiques des autres, autrement dit leurs manières d’acquérir des informations sur leur environnement.

https://doi.org/10.1073/pnas.2303162120


Un nouveau traitement de l’autisme tout naze

Une étude publiée le 30 novembre 2023 indique qu’un traitement thérapeutique appelé « thérapie de replacement d’enzyme pancréatique » a amélioré le comportement dans une étude sur 190 enfants autistes. En particulier, la thérapie à réduit l’irritabilité et l’agitation des enfants.

Il se trouve que les résultats sont clairement plus mitigés. Dorothy Bishop explique : les enfants ont été recrutés entre 2015 et 2021 dans 32 sites différents pour recevoir le médicament ou un placebo dans un premier temps, puis le médicament seul pendant 24 semaines. Les chercheurs ont observé une différence dans le premier temps, à savoir que les enfants avec le médicament avaient une irritabilité et une agitation plus faible que le groupe contrôle, et que le score d’irritabilité déclinait avec le temps. Dans le second temps, quand tous les enfants ont reçu le médicament, le score d’irritabilité et d’agitation continuait de descendre. Selon Dorothy, cette diminution n’est pas liée au médicament, mais à l’âge des enfants. En effet, on sait que l’irritabilité et l’agitation diminuent avec l’âge, en particulier autour de cinq ans (âge moyen des enfants recrutés).

La thérapie à base d’enzyme pancréatique est utilisée, car elle suppose des troubles digestifs qui s’amélioreraient avec le médicament. Le protocole utilisé indiquait que les chercheurs allaient vérifier que le traitement était plus efficace chez les enfants avec des problèmes digestifs – ce qui n’a pas été fait. Il indiquait également que les enfants allaient être recrutés entre l’âge de 3 et 8 ans alors qu’ils ne l’ont été qu’entre 3 et 6 ans.

Bref, le niveau de preuve est dramatiquement faible et aucune relation de cause à effet peut être tirée sans prouver qu’il y a bien un lien entre fonctionnement du pancréas et comportements associés à l’autisme.

https://www.sciencemediacentre.org/expert-reaction-to-study-of-pancreatic-replacement-therapy-for-maladaptive-behaviours-in-children-with-autism-spectrum-disorder/

https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2812393?linkId=251991705


La Partie qui Debunk

Si vous suivez mes pérégrinations sur Instagram, vous savez que je ne suis pas tendre envers les thérapies psychédéliques : l’utilisation de drogues pour améliorer les symptômes dépressifs. Presque systématiquement, les études sur le sujet sont de qualité affreuse, bardées de conflits d’intérêt, sans groupe contrôle et un nombre de participants tellement faible qu’il faudrait parfois le garder au singulier.

Quelle ne fut pas ma surprise de voir une méta-analyse sur le lien entre dépression et drogues psychédéliques publiées dans BMJ, la semaine dernière.

Je n’étais pas le seul. En quelques jours, TwitterX s’enflamme. Une première réponse détaillée de Rafa Román-Caballero indique que de nombreux effets sont beaucoup trop gros pour être vrais, et beaucoup plus gros que ce qui est indiqué dans les études inclues. La raison est que les méta-analystes se sont trompées en prenant des erreurs-standards pour des écarts-types, ce qui est une erreur qui est très souvent faites dans les méta-analyses. par exemple, les chercheurs ont codé un effet très fort d = 0.76 en d = 4.52 qui est un effet tellement fort qu’il n’y aurait même pas besoin de science pour le découvrir, on le connaitrait depuis la nuit des temps.

Les chercheurs ont aussi pris des effets des mêmes articles sans les agréger, ce qui fait croire qu’il y a plusieurs effets indépendants alors qu’ils le sont (ils ont été pris des mêmes participants.

Ioana Cristea a également indiqué qu’il y a des erreurs méthodologiques : dans une figure, les auteurs reportent 7 études sur le sujet, et 6 dans une autre figure. Une étude y figure même deux fois avec des tailles d’effet différentes. Cela amène à la critique suivante : les données et le script d’analyse ne sont pas rendu publics, pour la raison que cela pourrait nuire à l’anonymat des participants.

La critique complète se trouve ici.

Finalement, en quelques jours, BMJ s’est saisit du problème et indique désormais une “expression of concern” indiquant : “The authors are reviewing and responding to the error and its implications for the findings and conclusions of the paper. The authors’ response will be reviewed by The BMJ who will decide what further action is needed.”

Notons qu’entre la publication de l’article et l’expression of concern, il s’est passé 3 jours, preuve que lorsque les éditeurs ont a coeur de corriger la littérature scientifique, ils peuvent le faire rapidement et efficacement.


La fin que vous ne lirez pas de toute façon

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Newsletter finie je vais enfin pouvoir me relancer une partie de Hadès II.